Alors que la justice avait annulé le 13 juillet l’interdiction aux moins de 18 ans du document "Salafistes", réalisé par François Margolin et Lemine Ould Salem, le ministère de la Culture a fait appel de cette décision ce jeudi 21 juillet. Un acharnement au pire moment.
Non, rien de rien, décidément ils ne comprennent rien. La réalité
dépasse toujours à grande vitesse les enquêtes et les éditoriaux que
nous ne cessons de consacrer au déni des faits, à la politique de
l’autruche, au refus d’oser regarder l’ennemi en face dans son idéologie
meurtrière. Les réalisateurs de l’extraordinaire document "Salafistes",
tourné au nord-Mali, en Mauritanie et en Tunisie, croyaient pourtant en
avoir fini avec le harcèlement qui avait honteusement interdit leur
film aux moins de 18 ans. Cette décision de l’ex-ministre de la Culture Fleur Pellerin avait été annulée le 13 juillet – enfin ! – par la justice. On était, coïncidence, à la veille du massacre de Nice. Or la nouvelle culturiste en poste, Audrey Azoulay, réenclenche le processus de censure : le ministère a annoncé ce jeudi 21 juillet faire appel du jugement.
"Une stratégie de la dissimulation"
Audrey se fend des mêmes propos que Fleur : elle se drape à son tour
coquettement dans une ample pelerine de tartufferie en dénonçant "des propos et des images extrêmement violents et intolérants susceptibles de heurter le public".
Autrement dit, enquêter sur le discours des assassins équivaut à
commettre un assassinat. Le tribunal, au contraire, a été clair en
demandant la levée de l’interdiction. Citons un extrait des attendus :
ce film "permet au public, du fait même de sa conception d’ensemble et du réalisme de certaines scènes, de réfléchir et de prendre le recul nécessaire face à la violence des images ou des propos présentés". C’est exactement ce que Marianne avait écrit
après avoir visionné le film, en décembre 2015. Donner à voir les
djihadistes du nord-Mali – filmés en 2012 à Gao et Tombouctou avant
l’intervention française – comme les imams mauritaniens en pleine
argumentation salafiste, est-ce donc un mal pire que le mal qui les
amène à nous tuer ? Vouloir saisir (au péril de sa vie car, en l’occurrence Lemine Ould Salem a pris des risques gigantesques au Mali) les mécanismes de l’imprégnation totalitaire, est-ce interdit ?